Un article de Didier Moreau pour le mensuel de l’Université de Liège, “Le 15ème jour du mois” – Photos : Rémy Hespel – ULg.tv

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« Elle est désormais disponible en Wallonie !», annonce fièrement le Pr Thierry Bastin. Pédagogue, il s’enthousiasme devant la performance réalisée au sein de son service de physique atomique. Avec l’appui du Dr Cipriana Mandache et de la société liégeoise Gillam-FEi, dans le cadre d’un projet soutenu par le Plan Marshall, son équipe a conçu la première horloge atomique active de type Maser à hydrogène disponible en Belgique, et même en Europe. « Les Russes et les Américains maîtrisent et commercialisent déjà cette technologie extrêmement complexe, mais l’Europe avait un temps de retard. Avec les développements du système européen de géolocalisation Galileo, il y a clairement un besoin de l’Agence spatiale européenne (ESA) de disposer aussi de cette technologie, de préférence avec des fournisseurs européens.»

Gardiennes du temps

bastinthierry03Les horloges atomiques sont officiellement les “gardiennes du temps” depuis 1967. En effet, leur stabilité exceptionnelle permet de donner le temps avec une précision inégalée. A ce titre, elles sont aussi devenues les auxiliaires indispensables d’équipements de radioastronomie, de géodésie et, depuis l’apparition du GPS, de géolocalisation, tous types d’appareils qui requièrent une synchronisation la plus stable possible. «Les horloges atomiques de types Maser à hydrogène ne se décalent que d’une seconde environ par 30 millions d’années, ce qui équivaudrait à moins de 3 minutes depuis la naissance de la Terre il y a plus de 4 milliards d’années!», explique Thierry Bastin.

Il existe cependant différentes horloges atomiques, certaines sont plus stables encore que d’autres et conviennent mieux à des applications scientifiques ou industrielles spécifiques. Dans cette recherche du nec le plus ultra, les équipes du service de physique atomique de l’UL g et de Gillam-FEi se sont lancées à la quête du Graal : concevoir une horloge atomique active Maser à hydrogène beaucoup plus compacte et légère que les modèles traditionnels, afin de pouvoir l’adjoindre aux dispositifs de satellites comme Galileo. Un vrai défi technologique… et une première mondiale en perspective. Objectif à moitié réalisé jusqu’à présent… « Ce projet soutenu par le pôle de compétitivité Skywin est, en effet, à mi-chemin », précise Daniel Léonard, administrateur délégué de Gillam-FEi. Les premiers crédits de 700 000 euros pour 2008-2011, octroyés par le pôle Skywin, ont permis à l’équipe liégeoise de démontrer sa capacité à maîtriser toutes les étapes, très complexes, nécessaires à la conception d’une horloge atomique de ce type.
Le fonctionnement d’une horloge atomique Maser à hydrogène vise à générer une fréquence micro-onde particulière extrêmement stable dans le temps. Dans ce but, un gaz d’hydrogène dissocié est sélectivement envoyé dans une cavité micro-onde à 1420.4 MHz et est responsable d’une amplification électromagnétique dans la cavité sur une bande de fréquence de l’ordre du Hertz. Ce signal permet d’asservir tout oscillateur à quartz extérieur et d’obtenir de la sorte une horloge d’extrêmement grande précision.

Précision d’horloger

bastinthierry02Concevoir un Maser à hydrogène est un défi très complexe. Par exemple, le système de sélection des atomes d’hydrogène excités ne doit retenir que les atomes en mesure d’émettre le signal de fréquence pur recherché ; le dépôt d’une fine couche de téflon du “ballon de stockage” en quartz des atomes d’hydrogène dans la cavité microonde nécessite un “tour de main” tout à fait particulier ; la cavité micro-onde, très sensible à toute perturbation extérieure, doit être protégée par un blindage magnétique et thermique, etc.

La prochaine étape du projet, actuellement en cours et qui mobilise le même budget wallon et les mêmes équipes, vise à réduire l’encombrement et le poids de cette horloge atomique, de 250 à 25 kg environ. « Ce sera alors une première mondiale, que nous espérons bien présenter dans les deux à trois ans qui viennent. Mais nous ne sous-estimons pas la difficulté car nous poussons là les lois de la physique dans leurs tout derniers retranchements ! », conclut Thierry Bastin.